Long live the new flesh ✘ Kane

Long lives the new flesh

Glapissement étouffé. Gerbe de sang sur les pavés. Quelques pas en arrière, titubants, pris de courts. La goule tenait son abdomen, là où le coup avait broyé ses cotes. Sa bouche s’entrouvrait à la recherche de quelques goulées d’air. L’homme cligna des yeux, repris ses esprits, puis réalisa que son prédateur l’avait poussé dans une ruelle. Trop étroite. Un chemin direct vers sa fin. Son visage trembla, puis tout son corps. Sa sueur s’écoulait en rideaux sur ses paupières.

« Espèce de sale p- » Un rire fou éclata dans la ruelle. Kane, furie meurtrière, mêlée de noir et de sang, fondit vers sa proie, lançant son kagune en avant afin de porter le coup fatal. Son opposant, encore animé par le désir de vivre, puisa dans ses dernières ressources pour esquiver son coup, bondissant sur la main des enfers de Kane à l’aide de ses tentacules. Il envoya l’une d’elle en direction de l’épaule de Kane, mais seul le plat de celle-ci parvint à la frapper. Kane serra les dents, un sourire furieux animant son visage. « Pas cool ! Pas cool ! » cracha-t-elle alors qu’elle ramassait tout son corps pour reprendre un appui stable.

Ses jambes en soutien robuste, elle souleva son kagune vers le haut, faisant perdre l’équilibre à son ennemi qui s’élevait dans les airs. Trop étroite. Il n’y a qu’une seule direction. Elle enroula son kagune autour d’elle puis, comme un ressort, le propulsa vers le ciel. Vers sa proie. Celui-ci s’écrasa violemment à un endroit bien stratégique, juste entre les jambes. « Ah ah ! Dans le mile ! » La ghoul glapit de douleur, perdit connaissance pendant une seconde, puis s’écrasa dans la poussière.

Le malheureux gémissait sur les pavés, tenant ses bijoux de famille d’une main et cherchant à se redresser de l’autre, en vain. Son corps était à sa limite. « Pas… Fairplay… » Souffla-t-il. Il parvint à se retourner, juste assez pour voir la figure animale qui s’avançait vers lui.

Kane approchait, bête assoiffée de sang. Un rayon de lumière éclairait son visage recouvert de son masque animal, découvrant le sang, les plaies, et le sourire sur ses lèvres. Ses épaules se soulevaient aux rythmes de ses respirations, qui formaient un nuage de vapeur devant ses lèvres. Elle était secouée par un léger rire nerveux.

« Tu vises mon point faible, je vise le tien. » L’autre ghoul glapit de terreur lorsque la cannibale n’était plus qu’à quelques centimètres de lui. Elle s’assit sur son torse, détruisant ses chances de fuites à néant. Sa proie frétilla, sentant sa dernière heure sonner. « At- Attends ! Je veux la refaire ! » « Trop tard. » Kane tordit son cou dans un claquement brutal, qui résonna dans la ruelle.

Un silence religieux s’abattit. La cannibale prit le temps de savourer ce moment d’extase, yeux fermés. Le cumul d’une lutte exquise. Peu à peu, son souffle se ralentit alors qu’elle revenait à la réalité. Elle essuya le sang sur son visage à travers son masque. Elle était couverte de nombreux petites coupures et son sweat était déchiré par endroits. La plupart étaient moindres et avaient déjà commencé à régénérer, mais la douleur dans son épaule continuait à lui lancer. « Et dire que ça avait presque entièrement regénéré… » Il faut dire qu’il s’était passé peu de temps depuis sa rencontre avec Eri, et son ennemi venait de rouvrir une plaie à peine fermée. A défaut d’être un assez bon combattant, il avait été bon observateur.

Kane contempla son repas. Elle n’avait pas spécialement faim, dernièrement. Elle avait simplement voulu faire un duel avec un de ses confrères. Mais encore une fois, elle n’avait pas su retenir ses pulsions et avait cédé à l’ivresse du combat. Tant pis. « Bon appétit. » Elle plongea ses crocs dans la chair fraiche, mastiquant grossièrement. Elle sentait déjà ses forces lui revenir.

Mais une odeur étrange vint la déranger dans son repas. Un humain ? Une ghoul ? Elle continua de manger, pensant que peu-importe l’individu, il valait mieux qu’elle se régénère au maximum avant son arrivée. Elle accéléra le rythme de ses bouchées. Si cette personne pensait profiter de la fatigue du combat pour l’attaquer, elle avait bien tord : Kane était loin d’en avoir fini.

Une silhouette se glissa enfin à la sortie de la ruelle. Les yeux de la cannibale étaient déjà rivés sur elle.  Les bruits de mastications accompagnés de son souffle rauque semblaient se muer en un grognement animal : elle ressemblait à une bête. Ses cheveux étaient attachés en une longue queue de cheval tombant sur ses épaules. Accroupie sur sa proie, vêtue tout de noir, seuls ses yeux rouges et les crocs de son masque luisaient dans l’obscurité.

« T’es quoi, exactement ? » Souffla-t-elle. Elle n’aimait pas son odeur. Elle n’arrivait pas à l’identifier.

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Kane sursauta lorsque l’individu envoya la poubelle dans sa direction d’un simple coup de pied. Ghoul ? La cannibale précipita son kagune vers le projectile, main grande ouverte, puis le saisit en plein vol, sa poigne l’écrasant comme une canette vite. Elle le jeta ensuite d’un coup de poignet mou, celui-ci venant s’écraser à quelques mètres d’ici dans un vacarme sourd.

« Pas un monstre comme toi, c’est sûr. » Elle se retourna une seconde pour observer les dégâts, éberluée. Pas un monstre comme elle ? Un humain, alors ? Mais comment un humain pouvait-il faire preuve d’autant de force ? Kane tendit ses muscles. Elle ne savait pas à quoi elle avait affaire, mais ce qui était sûr, c’est que c’était agressif.

Elle fronça les sourcils lorsque le membre écarlate jaillit de l’épaule de son opposant, et un air moqueur glissa sur son visage à la vue de son œil droit. Il était certes un peu inhabituel, mais la jeune femme préféra en rester à l’explication la plus simple : ghoul.

« Ah ! Tu parles ! Tu m’as tout l’air d’un monstre aus- » Kane eut à peine le temps de finir sa phrase que l’inconnu fondait déjà sur elle, bondissant comme un chat d’un mur à l’autre. L’étroitesse de la ruelle, qui était un atout quelques minutes auparavant, devenait maintenant un désavantage : son nouvel attaquant était vif et le suivre des yeux devenait une tâche de plus en plus pénible. Elle se redressa brusquement, légèrement fléchie, et enroula son kagune autour de son buste, sans lâcher son ennemi du regard. Elle ne parvenait pas à définir par où allait venir l’attaque : le mieux était au moins de protéger ses points vitaux.

Lorsque celui-ci bondit dans les airs, elle crut apercevoir une brèche. Elle élança son kagune, poing serré, mais le manqua de peu alors que l’autre glissait derrière avec agilité. Elle serra les dents dans un grognement de frustration, puis ramena sa main immense auprès d’elle aussi vite qu’elle l’avait lancée. Elle jeta un œil à l’homme par-dessous son bras droit, plissant les yeux.

« Tu mangeais un de tes confères ? » Sa façon de parler était irritable. Pourquoi ne voulait-il pas s’inclure dans le lot ? « La viande c’est de la viande. » cracha-t-elle, avant de pivoter pour lui faire face. Et à ses yeux, c’était vrai. Elle ne mangeait pas les siens par plaisir tordu ou par nécessité : elle les mangeait car elle le pouvait.

Son regard parcourut l’inconnu de haut en bas. Dans l’obscurité de la ruelle, il était difficile de distinguer un détail notable, mais elle savait déjà qu’elle avait affaire à un opposant de taille. Elle frémit d’excitation, sentit le sang bouillir dans ses veines, brûler ses muscles endoloris. Elle exaltait à l’idée de combattre cet étrange être, à l’idée de s’abandonner à cette lutte sauvage. La nuit était si belle.

« Pas de masque ? T’aimes le danger, on dirait. » Un rire d’excitation lui échappa, éclat soudain dans les ténèbres. « T’en fais pas, je vais m’assurer que tu sois mé-con-nais-sable. » chantonna-t-elle avant de se courber pour poser ses mains au sol, adoptant une position bestiale.

Son kagune jaillit au-dessus de son dos en un poing ferme, avant de plonger en direction de son ennemi. L’air semblait se déchirer sur son chemin. « T’as l’air coriace ! » beugla-t-elle, avant de murmurer pour elle-même : « Et j’adore ça. »

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La pointe perça la surface de la main, entre le majeur et l’index, déchira le muscle, divisa les cellules, puis continua sa course le long de son bras squameux. Elle découpa le kagune en deux parts inégales qui vinrent finir leur course effrénée dans le bitume, dans un brouillard de sang, de pavés et de poussière. Un sifflement de douleur s’échappa d’entre ses dents serrées, alors que les muscles de Kane se dérobaient légèrement. « Ouch ouch ouch ! Merde ! »

A peine eut-elle le temps de reprendre ses esprits que son opposant fonçait déjà vers elle, prêt à l’empaler. Audacieux. Kane tenta de ramener son kagune à elle, mais l’autre atteindrait sa cible bien avant qu’elle ne puisse s’en servir de bouclier. Elle prit une inspiration, serra les dents, s'arqua légèrement afin de ramasser ses muscles, puis planta ses pieds profondément dans le sol, prête à parer l’attaque. Ça allait secouer.

Kane fut d’abord surprise par la force de l’impact, mais conserva ses appuis. Elle saisit la pointe du kagune entre ses mains, sacrifiant la peau de ses paumes. Un grognement de rage s’échappa de ses entrailles alors que ses pieds glissaient sur le bitume, tentative veine de réduire la force de l’attaque. « Humain mon cul ! »  siffla-t-elle entre ses crocs.

Tout en parant l’attaque, Kane enroula les deux parties de son kagune sur elles-mêmes afin de former une main de fortune en attendant que celle-ci ne régénère. La pointe du sabre de son opposant entailla légèrement son poitrail, tâchant son sweat d’une teinte écarlate. En reculant ainsi, sa dynamique l’empêchait d’asséner un coup à son opposant par derrière, et toutes ses forces étaient déjà organisées afin d’éviter de finir empalée sur place. Cette position était trop dangereuse : elle ne pouvait pas tenir plus longtemps.

Kane précipita sa queue vers le haut dans un effort désespéré d’échapper à la situation. Elle enroula celle-ci autour d’un conduit d’aération entre deux bâtiments voisins, juste au-dessus de la scène. Elle prit une courte inspiration, puis en moins d’une seconde, lâcha sa prise et s’aida de son nouvel appui aérien pour faire un petit bond, juste assez pour s’appuyer sur le kagune de son ennemi. Elle se propulsa ensuite vers le haut, déviant la trajectoire de l’arme de l’autre vers le bas. Sauvée.

Kane se hissa vers son perchoir et prit appui sur le conduit, tête en bas, bête sauvage devenue chauve-souris. La cannibale profita de ce moment de répit pour enfin reprendre son souffle, son corps secoué de spasmes brûlants. La brune ne pouvait pas se débarrasser du sourire délicieux qui s’étendait sur son visage. Elle savourait l’adrénaline. « T’es un sacré phénomène, toi. » gloussa-t-elle. Les cellules de son kagune se rattachaient peu à peu. « T’oses vraiment dire que t’es un humain après CA ? »  La fine plaie sur sa poitrine se refermait déjà. « Tu te mentirais pas à toi-même ? »  Un sourire carnassier éclaira son visage mutin. « Tu m’as tout l’air du même genre de bête que moi. »

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« Tu m’as vu dévorer quelqu’un ? »  Kane haussa un sourcil. C’était quoi cette excuse bidon ? Elle ne comprenait pas bien où il venait en venir. Certes, tout le monde n’avait pas le même appétit que Kane, mais ça ne les dispensait pas d’être des goules pour autant. Il suffisait de voir le cas d’Eri, par exemple. Il fallait de tout pour faire un monde, après tout. Pourtant, la cannibale avait du mal à imaginer que quelqu’un capable de lui faire face n’adoptait pas un régime alimentaire au moins conséquent. Un certain inconfort l’envahit alors que l’incompréhension naissait dans ses entrailles.

«  Les humains ont une capacité d’adaptation incroyable. Tu devrais le savoir. »  Kane ne saisit pas tout de suite le poids de ces paroles.  « Nous avons simplement trouvé des moyens de retourner vos armes contre vous. »  Une lumière sembla s’allumer dans sa cervelle. Aussi peu informée qu’elle était, elle savait bien que les colombes utilisaient les kagunes de ghouls qu’ils avaient chassées pour créer des armes. Mais dans son souvenir, ceux-ci les maniaient à la main, pas… Comme ça.

Elle plissa les yeux, réalisant peu à peu que ce qu’elle avait devant elle n’était peut-être pas ce qu’elle pensait être. Rassembler les quelques informations qu’elle avait récupérées lui était la tâche la plus agaçante qui soit, pourtant cette fois-ci, cela semblait essentiel. Quelque chose n’allait pas. C’est vrai que Kane aurait déjà dû se poser des questions en ne voyant qu’un seul œil devenir rouge, mais l’excitation de la situation semblait lui avoir brûlé quelques neurones. Une demie-ghoul ? Kane en avait parfois entendu parler. Ah ! Cela pourrait peut-être expliquer sa force si celui-ci ne mangeait pas beaucoup ! … Non ? Mais une demie-ghoul reste une ghoul. Or celui-ci parle comme un humain. Plus encore, il se comporte comme une colombe. Cela lui laissait un goût amer dans la bouche.

Le fil de ses pensées fut interrompu par la petite provocation de l’inconnu. Provocation qui, sans grande surprise, fut efficace. Kane fronça le nez, insultée. Petite ?! Ses inquiétudes précédentes semblaient s’être envolées, laissant place à cette rage si familière. « Humain ou ghoul, je vais te démolir. »  gronda-t-elle.

S’aidant de son kagune, elle se hissa sur le dessus du tuyau, voyant de nouveau le monde à l’endroit. Elle affermit sa prise sur le métal, lovant son bras squameux contre celui-ci, étranglant sa surface. Le métal se tordait dans un crissement affreux. « Ah ! On s’est pas présentés ! »  La brune voulait au moins savoir contre qui elle avait l’honneur de se battre. Le tuyau, prit en étau, ne tarda pas à céder. Le kagune s’enfonça dans la matière, brisant son perchoir en plusieurs éclats de ferrailles. Au même moment, la brune lâcha prise et s’éleva dans les airs, s’appuyant sur son dernier appui avant qu’il ne s’effondre. «  Tu peux m’appeler Ratel ! »  beugla-t-elle. « Enchantée. » Son ton était mielleux.

Les débris, de taille conséquente, continuaient leur chute dans la ruelle. Avec si peu d’espace pour se mouvoir, son ennemi allait devoir faire preuve d’ingéniosité pour ne pas se prendre l’un de ces projectiles tranchants. Toujours au-dessus de la scène, la cannibale projeta ensuite son kagune, presque entièrement régénéré et serré en un poing vigoureux vers son opposant. Il lui faudrait alors éviter les débris, ainsi que la main de Kane. Et quand bien-même l’homme y parviendrait, il lui faudrait alors éviter les morceaux de bitumes inévitablement soulevés par l’impact et le choc de celui-ci. Kane ne faisait pas dans la dentelle. Son rire joueur fendit la nuit.

« T’as attisé ma curiosité. Essaye de pas mourir trop vite ! »

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« Hein ? Eh ! Pas cool ! »  A quoi bon lui donner son nom à elle, s’il ne lui donnait pas le sien ? Enfin, elle n’avait pas donné son vrai nom, mais il faudrait être fou pour le faire, après tout. Toujours est-il qu’elle en revint vexée, parce qu’elle aurait aimé savoir qui était son opposant et qu’après tout il n’y aurait pas eu de mal à échanger des politesses. Mais il était vrai que son ennemi n’avait pas l’air bien commode, et que son désir de la combattre était bien différent du sien : depuis le début, Kane n’y voyait qu’un jeu, un petit plaisir, tandis que l’autre voulait la tuer.

Alors que son kagune écrasait son ennemi au sol, elle ne put que rire face à ses paroles. « Baha ! Qu’est-ce qu’il y a, mon gros ? Tu veux que j’arrache les tiennes ? »  Elle n’avait pourtant pas pour habituer de s’adonner à ce genre de pratique. Enfin, en y repensant, elle n’avait pas vraiment épargné sa précédente proie, mais ce n’était qu’une coïncidence. Kane afficha un air suffisant : elle n’était pas peu fière de son surnom, qui lui sied à merveille.  

Elle atterrit enfin, agile comme un félin, ses cheveux retombant sur son dos, ramenant déjà son énorme kagune à elle. L’inconnu s’était lui aussi déjà relevé, ne se laissant pas une minute de répit. Kane l’analysa un instant, sautillant d’une jambe à l’autre, impatiente. Sa tête se pencha légèrement sur le côté. « J’arrête pas d’y penser depuis tout à l’heure, mais tu serais pas une colombe ? »  Elle avait fini par se faire à l’idée que l’homme n’était pas vraiment une goule, mais bien un genre d’humain amélioré. Elle ne le lâchait pas une seconde des yeux, comme si elle cherchait à le brûler de son regard. L’excitation inondait ses muscles.

Cette fois ci, lorsque le borgne fonça sur elle, Kane n’était pas prise de court. Un rire éclata dans sa gorge. Est-ce qu’il pensait l’avoir deux fois ? Elle avait été mise dans une position difficile tout à l’heure, mais maintenant, elle avait son kagune pour lui venir en aide. Et après tout, elle avait toujours préféré le corps à corps. Elle le laissa approcher, lui laissant l’espoir d’atteindre sa cible. Elle ne s’attendait pas à ce que celui-ci cherche en réalité à saisir sa nuque, mais le résultat serait le même, de toute façon. Lorsque leurs visages furent proches, elle en profita pour imprimer ses traits, le toisant de ses deux yeux de rapace écarlates.

« Un humain avec une force de goule… Intéressant. » susurra-t-elle, puisqu’il était maintenant assez proche pour l’entendre. Et en moins d’une seconde, sa main des enfers la contourna puis vint s’écraser sur le côté gauche de l’homme, l’emportant dans sa course furieuse afin de le précipiter dans le mur d’à côté. La meilleure défense, c’était la contre-attaque, non ?

Un nuage de poussière s’éleva du mur dont quelques parties s’étaient effondrées. Kane glissa ses mains dans ses poches dans une allure nonchalante, une expression hautaine sur le visage. « Je m’intéressais jamais aux humains avant. Trop faibles. »  Un sourire immense s’étira sur son visage alors qu’elle s’embrasait. « Mais ça change tout ! C’est génial ! De nouveaux ennemis, de nouveaux opposants dignes de ce nom… Tant de nouveaux combats à venir ! »  La cannibale tremblait d’enthousiasme. Ses yeux étaient de feu. « Dis, y en à d’autres, des comme toi ? »

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Les paroles de l’humain lui laissaient penser qu’il n’était effectivement pas le seul. Ou peut-être ne voulait-elle simplement comprendre que ce qu’elle voulait. Elle s’imaginait déjà les combats monstrueux qu’elle pourrait partager avec ces nouveaux êtres. Quelle belle soirée c’était ! Et quelle chance d’être en vie !

Kane exaltait tant qu’elle ne comprit pas tout de suite ce qu’était le point noir qui se dirigeait à toute vitesse vers elle. La panique la gagna lorsqu’elle comprit qu’il valait mieux qu’elle évite cette attaque si elle voulait rester en vie, justement. Elle parvint à se dérober à la dernière seconde, la barre de métal éraflant seulement sa gorge avant de finir sa course dans le mur derrière elle. Ebahie, elle ne pu s’empêcher de se retourner pour regarder le projectile qui avait bien manqué de lui détruire le larynx. La cannibale ne savait même pas si ce genre de blessure pouvait être régénérée avant qu’elle n’en succombe. Un frisson la parcourut alors que le souffle glacial de la mort lui faussait compagnie.

Bruit de course. « Eh, si tu me tues tout de suite, ce sera vraiment moins drôle, tu s- »  Lorsqu’elle retourna la tête vers son ennemi, celui-ci n’était plus qu’à quelques centimètres au-dessus d’elle. Elle écarquilla les yeux d’horreur et fut prise d’un hoquet paniqué. Ses yeux rivés sur le kagune de son ennemi, elle ne prêta pas attention à la barre de fer qui pénétra sa cuisse gauche, déchirant les muscles sur son passage avant de venir se loger dans le bitume, l’immobilisant. Un cri perçant quitta sa gorge. « NGAAH ! PUTAIN ! »

Et la prochaine attaque venait déjà. Son premier réflexe fut de vouloir sauter pour y échapper, mais sa jambe était maintenue au sol, et tirer dessus arracherait complètement ce qu’il restait de ses muscles et ses tendons, si ce n’est ses os. La bête sentit la mort approcher de nouveau. « Ola ola ! Attends ! »  s’étrangla-t-elle, paniquée. Son cœur. Ses poumons. Ses os. Ils n’échapperaient pas à une telle attaque si son ennemi parvenait à la transpercer. Elle était solide, mais pas autant. Dans un dernier instinct de survie, elle parvint à pivoter son torse, sacrifiant son épaule droite, transpercée par son opposant. Elle serra les dents, cherchant à étouffer un cri de douleur qui parvint tout de même à lui échapper.

Kane avait pris soin, malgré l’agitation, de faire en sorte que l’épaule touchée soit celle déjà fragilisée. C’était douloureux comme l’enfer, mais au moins il lui restait une épaule indemne. Tant pis pour celle-ci. Sa douleur se mua en rage et sa terreur en rancœur. Elle n’était plus que feu et colère. Au lieu de fuir, et parce qu’elle ne pouvait pas encore bouger, elle saisit l’épaule de l’homme par sa main gauche et le tira vers elle avec force, lui assénant un coup de tête farouche. Le choc lui fit tourner de l’œil, mais son instinct de combat s’occupa du reste, effectuant tous les gestes nécessaires pour se tirer de cette situation.

Elle profita de la confusion pour sortir son épaule droite de sa broche, puis se courba entièrement afin de saisir la base de la barre de fer, juste sous sa jambe. Elle souleva ensuite son membre afin de le défaire de son piège, sifflant sous la brûlure de ses muscles déchirés. Un soupir de soulagement la quitta alors qu’elle était de nouveau libre de ses mouvements.

Recroquevillée sur elle-même et avant même de pouvoir reposer son pied gauche au sol, elle envoya son kagune par-dessous sa jambe en direction du borgne dans un rugissement furieux. Sa main grande ouverte, cherchant à saisir l’un des membres de l’individu afin de l’arracher ou, au mieux, de le tordre.

Elle remit pied à terre, tout son poids sur sa jambe intacte et son bras droit ballant contre sa cuisse, des gerbes de sang s’écoulant sur sa poitrine. Son souffle était rauque, inégal, tandis qu’elle s’efforçait d’ignorer la douleur, de la faire disparaitre. «  Contente que tu te donnes autant pour me combattre, mais je suis pas prête de mourir. » Crachat. « J'en ai maté des plus gros que toi. »  lança-t-elle, moqueuse.

Son bras droit devenait inutilisable. Elle pouvait encore bouger sa jambe gauche, mais lui imposer tout son poids était risqué. Mais Kane n’était pas plus inquiète : elle s’était retrouvée dans des situations bien plus drastiques dans le passé. Un rire nerveux la secoua lorsqu’elle se félicita d’avoir encore au moins deux membres en bon état. Ce n’était pas si mal, finalement !

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La cannibale sentit le muscle se déchirer, les tendons s’étirer, elle était si proche du but. Elle serra les crocs lorsque l’autre découpa de nouveau son kagune. Mais la blessure était moins profonde, moins terrible que la précédente. Elle le ramena vers elle, lâchant un grognement de frustration. Ce n’était pas exactement le résultat attendu, mais au moins, les deux étaient un peu plus sur un pied d’égalité : tous d’eux se voyaient privés d’un bras. Mais à choisir, déchirer l’autre membre aurait été plus astucieux. La brune fulminait.

Tous deux respectèrent une seconde de pause, chacun constatant ses blessures tout en se regardant en chien de faïences. Les blessures de Kane étaient profondes, mais elles régénéreraient : elle avait le ventre plein. Quand était-il du borgne ?

« Toi, par contre, tu n’as rien de spécial. Tu es sûre de pouvoir me vaincre ? Si tu te rends, ta mort sera rapide. »

Kane vu rouge. L’enfer grimpa dans ses veines. « Rien de spécial ? »  gronda-t-elle d’une colère froide, de cette colère qui prépare le terrain pour pire encore. Sa fierté venait d’en prendre un coup. Comment osait-il ? Il fut un temps où Kane était faible. Il fut un temps où elle devait courber le dos. Un temps où elle n’était pas spéciale. Mais ce temps était révolu. Elle avait fait en sorte que ce soit le cas. Elle avait lutté, dans la douleur et le sang, elle avait tué, elle avait mangé, encore et encore, tout ça pour se hisser hors de cette nuée de lâches et de défunts.

Un rire nerveux la secoua. Son visage s’assombrit. « Rien de spécial… Ah ! » Son kagune se serra, des veines translucides se dessinant sur sa peau. «  Je vais te montrer à quel point je suis spéciale, fils de p*te. »  Elle se redressa, poings serrés. « Je suis forte. Si forte. Plus forte que tu ne le seras jamais. »  Il y avait le tonnerre dans sa voix. Elle frappa le poing de son kagune au sol. Une fois. Deux fois. Comme un tambour. « Je vais tellement t'exploser que tes potes les colombes arriveront pas à recoller les morceaux. »  Elle ne sentait même plus la douleur. Elle n’était plus que rage.

« Et me rendre ? » Elle plongea ses yeux brûlants dans celui-ci de son ennemi. Toutes ses cellules étaient en feu. Il n’y avait plus de ruelle. Plus de ville. Juste un champ de bataille. Et une cible. Elle bondit, prédateur enragé. Elle saisit sur sa course la barre de fer enfoncée dans le bitume, réduisant la distance entre elle et son ennemi. « LES FORTS NE SE RENDENT PAS ! » rugit-elle, prise d’une rire fou.

Et avant de s’approcher de trop, elle plaça la barre de fer entre ses crocs et s’aida de son bras intact, l’utilisant comme appui afin de réaliser un salto. Elle emporta son kagune dans son mouvement, l’envoyant avec une force folle vers le borgne. La cannibale manqua de perdre l’équilibre lorsqu’elle atterrit de nouveau, mais n’interrompit pas sa course. Du sang gicla de la plaie de sa cuisse. Elle hurlait de colère et de douleur, comme un fauve endiablé. Elle prit de nouveau la barre de fer en main et s’élança vers l’homme, prenant son kagune comme cible. Sans son arme préfabriquée, il serait sans défense.

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« Tu frappes, tu frappes, mais qu’attends-tu pour trancher ? »

« Suffit de demander. » Aura-t-elle eu le temps de glisser avant que la barre de métal ne transperce la joue de son ennemi. Elle écarquilla les yeux d’abord, puis, l’espace d’une seconde, le dégoût détrôna la rage qui l’animait. Ce n’était pas du tout l’endroit qu’elle visait. Une mimique écœurée assombrit son visage. « Uuuuh… Berk, berk, c’était pas ce que je voulais faire. » Même la cannibale pouvait trouver certaines blessures plus laides que d’autres.

Mais l’homme ne semblait pas avoir dit son dernier mot. L’excitation de Kane sembla la conquérir de nouveau lorsqu’elle aperçut la lueur de détermination dans le regard de son ennemi. Celui-ci était tenace. Kane ne pouvait qu’en être plus ravie. Elle avait toujours admiré les opposants qui savaient lui offrir un duel à la hauteur de sa force, ceux qu’elle pouvait considérer comme ses égaux. Malgré la violence et le sang, elle ne pouvait s’empêcher de ressentir un genre d’affection pour ses partenaires de combat. Cet amour n’était pas toujours réciproque, cependant.

Honnêtement, Kane ne réalisa même pas les intentions du borgne. Elle avait bien aperçu un objet brillant dans sa gueule, mais l’ivresse de sa lutte l’emportait déjà sur elle : elle ne pensait plus qu’à frapper. Lorsque le kagune de son ennemi se déroba sous sa main géante, celle-ci continua sa course et vint s’écraser dans le bitume, quelques centimètres plus loin. Kane referma ses énormes doigts rouges sur le béton, ancrant ainsi son kagune fermement dans le sol. Elle fléchit les genoux, diminuant sa hauteur afin de couler sous le borgne, puis, tirant sur son kagune, elle s’élança avec force vers l’abdomen de son opposant, le saisissant dans la volée.

Emportée par sa force monstrueuse, elle l’abattit sur le sol, se servant de son corps pour amortir sa proche chute. Pavés et poussière éclaboussèrent la nuit. Désormais à genoux au-dessus de lui, elle se redressa de manière à le toiser avec arrogance. Ses cheveux noirs encre, collés par le sang, glissaient sur son épaule. « Le sang te va si bien au teint. » miaula-t-elle. « Laisse-moi t’en rajouter un peu. » Un rire fou la secoua.

Un coup. Puis un autre. Et encore un. Elle enchaînait les coups de poings, muée de rage et d’allégresse, savourant chaque coup qui atteignait sa cible. Son bras droit brûlait, le sang giclait de la plaie ré-ouverte, son membre tout entier tremblait et manquait de se dérober. Mais la bête était ivre, invulnérable aux cris de son propre corps qui la suppliait. Et lorsque son bras blessé ne fut plus en état de lui répondre, son kagune s’éleva dans les airs, juste au-dessus de la lutte. Elle eut juste le temps de reculer son buste avant que le poing funèbre ne se précipite sur son ennemi.

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L’espace d’un instant, il n’y eut plus un bruit dans la ruelle. Le temps semblait s’être arrêté. Cette lutte acharnée atteignait son terme, et le silence soudain contrastait avec la violence passée. Seule la respiration de Kane, rauque et inégale, perturbait le calme de la nuit. Yeux fermés, il lui semblait possible d’entendre les battements de la ville, du soupir du vent dans ses artères au souffle des voitures sur son bitume. Tout son corps semblait grincer, carcasse souffrante et délabrée, et le froid soudain glacial mordait ses muscles encore brûlants.

Elle baissa les yeux, spectatrice de son massacre, et son cœur se serra un instant. Est-ce qu’il était mort ? Déjà ? Il ne devait pas. Ce combat avait été trop bon pour qu’un adversaire tel que lui ne succombe ainsi. Kane avait déjà tué par accident, et si elle n’y prêtait pas beaucoup d’importante, celui-là en particulier la chagrinait. Elle approcha son visage du sien, cherchant à entendre son souffle. « Eh… T’es mort ? » se lamenta-t-elle. Si oui, quel gâchis. Elle ne comptait même pas le manger. Vraiment, quel gâchis.

Ses soudains tremblements la firent sursauter et elle se recula vivement, ayant le sentiment d’avoir vu un fantôme. Un sourire se dessina sur son visage alors que l’enthousiasme la gagnait. Son compagnon de combat n’était pas mort, finalement ! Aujourd’hui était trop tard, mais elle pourrait le rencontrer à nouveau, et là encore ils jouteront jusqu’à en perdre la tête, les muscles, les os. La cannibale exaltait d’une joie si innocente qu’elle ne vit même pas le coup arriver.

Le kagune, terrible et aiguisé, plongea dans l’abdomen de la brune dans une dernière attaque désespérée. Son cri fut étouffé par une coulée de sang qui remonta dans sa gorge. « Pu- » Elle vomit un fleuve de liquide écarlate, son corps étant secoué par des spasmes violents. Son être tout entier se serra autour de la blessure, béante et terrifiante, et la douleur lui monta à la tête, brouillant sa vision et noyant ses sens. Immobilisée par la souffrance et la peur, son souffle était régulièrement interrompu par des crachats de sang, et l’oxygène lui semblait soudainement bien précieux.

Elle sentit la rage de son ennemi grandir, encore et encore, et crut qu’elle rencontrait enfin sa fin. Elle n’aurait plus la force de se battre. Tout son corps criait. Les mains glacées de la mort lui serraient déjà le cou.

Mais alors que ces doigts glacés effleurèrent sa gorge, le kagune de son ennemi se déroba et ses muscles se relâchèrent soudain, défaits de leurs étreintes. Les poumons de Kane se gonflèrent d’une inspiration glaciale alors qu’elle s’effondrait déjà sur le côté comme un pantin désarticulé. Des gerbes de sang continuaient de s’écouler d’entre ses lèvres mais, libérée, son souffle semblait déjà reprendre son rythme, une respiration après l’autre.

Dès lors que sa vision devint plus nette, elle jeta un œil au borgne, étendu dans la poussière, immobile. Elle n’avait plus à sa battre, pour l’instant. Elle lutta pour essayer de se redresser, mêlée de blessures et de vertige. « Régénère régénère régénère… » marmonna-t-elle dans sa panique.

Là, un peu plus loin, le corps de sa dernière victime reposait, comme un dernier salut. Et lorsqu’elle fut à sa hauteur, elle s’empressa d’en arracher quelques bouchées affamées. Il n’y avait rien de tel pour reprendre rapidement ses forces. Chaque déglutition embrasait sa gorge, mais cela n’avait plus d’importance. Survivre. Elle devait survivre. Peu à peu, ses pensées revinrent, plus claires et plus logiques, alors qu’elle s’extirpait peu à peu de la poigne sinistre de la mort. Elle avait perdu une vie ce soir.

Elle s’appuya sur le mur afin de se redresser, tremblante et suffocante, tapissant celui-ci de ses mains ensanglantées. Elle s’approcha alors de son ennemi, dont seul son torse qui se soulevait encore par moment témoignait de sa vivacité. Kane avait déjà accepté le fait que l’homme était une colombe, et une pensée l’effraya : si elle avait été si proche de pousser son dernier soupir ce soir, que serait-il arrivé dans le cas d’une intervention normale ? Si l’homme avait été accompagné et armé, serait-elle encore de ce monde ? Pouvait-elle vraiment considérer qu’elle avait gagné ? Un frisson lui parcourut l’échine. Elle voulut serrer les poings, mais n’avait même plus assez de force pour ça. Elle devait devenir plus forte. Encore plus forte.

« Merci pour le combat, colombe. » chuchota-t-elle. Elle ne savait toujours pas son nom. Mais elle se souviendrait de son visage, c’était certain. Enfin, en espérant que celui-ci ait toujours le même demain. Elle ne savait pas trop à quel point ces créatures pouvaient se régénérer. Enfin, peu-importe. Tenant son ventre d’une main et le mur de l’autre, elle se glissa dans les ténèbres de la nuit, impatiente de rentrer, d’être à l’abri, là où la mort ne la guetterait pas du coin de son œil noir ébène.