TOKYO, JANVIER 2015
L'air est froid et tu ne sens plus tes doigts, emmitouflés dans tes gants chauds, et la brume qui sort de ton nez dès que tu fais un pas dehors te donne les airs d'une sorte de dragon mystique. Tu regarde les arbres morts et tu te dis que bientôt ils bourgeonneront dans de belles fleurs rosées, que la glace sur les flaques sera bientôt fondue, et que dans peu de temps le soleil dans le ciel gris pointera le bout de son nez. Puis tu tends la main sous les quelques flocons que tu viens de voir tomber, et tu remarques qu'ils ne fondent pas. Qu'ils sont assez gris, plutôt vaporeux.
Comme des cendres.
Tu lèves encore les yeux, et une colonne de fumée noire monte dans le ciel, puis deux, puis trois. Les gens dans la rue regardent tous ces traits noirs menaçants s'élever, avec une expression perdue peinte sur le visage.
Tu es bien trop loin pour le voir, mais au pied de ces impressionnants faisceaux il n'y a plus que la misère et les cris. Des attentats meurtriers dans la brume du matin au pied des quartiers du ccg, perpétrés sur un tapis rouge de sang par des êtres inhumains ; ils ressemblent à des monstres cauchemardesques démesurés, avec leurs formes abominables et leurs armes de chair, leur appétit sans limite et leur violence si grotesque, si incompréhensible.
Il étaient comme des gens normaux, mélangés à la marée de foule, avant d'imploser ainsi et de tout consumer autour d'eux. Avant de devenir des monstres. Ils se sont soudainement déchirés en créatures étranges aux instincts meurtriers et aux gueules sanglantes, et ont tout noyé sur leur passage comme une marée de mort. Les ghouls ont tout attaqué sans rechigner, ils ont mis à flammes et à sang ces buildings gigantesques gardés par les soldats les plus entraînés de la nation ; pillé, détruit, et dévoré quiconque osait s'opposer à leur puissance.
Ils n'ont laissé derrière eux que des ruines et des messages écrits dans le sang des hommes qu'ils ont tué, tous accompagnés d'une fleur rouge aux grandes pétales recroquevillées peinte sur les murs : Higanbana.
TOKYO, NOVEMBRE 2018
Bien des années après les attaques, malgré l'incompréhension et les suspicions des habitants de Tokyo sur les auteurs ces attentats, tout a presque été oublié ; à force d'attendre des réponses à leurs questions, les gens ont tourné la page. Presque tous.
D'autres ont prit conscience, puis ont prit les armes et se sont lancés dans la lutte contre les ghouls. Le CCG a connu des augmentations dans ses rangs et ses académies bien supérieures à tout ce qui les avait précédées, et des groupuscules humains agissant sous le nom de Shiragiku continuent ce travail à leur échelle d'habitant. Même si tout le peuple est loin de s'être réveillé et soulevé, l'humanité se fait plus grande et espère bien pouvoir vaincre la menace des ghouls une bonne fois pour toutes.
Tous les humains ne sont pas de cet avis, et l'influence du groupe pacifiste Kaneshon se fait toujours plus importante. Humains et ghouls se sont rassemblés malgré leurs différents et leurs incompatibilités et plutôt que de se battre pour le pouvoir, ils souhaitent la paix et l'harmonie sans avoir recours à la violence brute. De plus en plus d'humains vont à l'encontre de leur instinct et des lois de contre-mesures, et hébergent et protègent des ghouls du CCG, risquant leur vie pour une paix illogique. Les ghouls et les humains ne sont pas si différents selon eux, et si le destin et la chaîne alimentaire n'en avait pas décidé autrement, leurs espèces auraient pu être en bien meilleurs termes.
Si les humains de Shiragiku et de Kaneshon s'opposent entre eux en se traitant l'un l'autre de monstres pour leurs idéaux, c'est bien la haute société des ghouls d'Higanbana qui a le plus de casseroles sur le feu à gérer. Entre les traîtres de Kaneshon qui jouent les chiens d'appartement pour s'attirer les grâces des humains, les cannibales de Kuroyuri qui tentent d'échapper au contrôle de leurs anciens, et les lâches d'Asagao qui refusent de se battre pour la grandeur des ghouls, Higanbana ne peut que compter sur ses fidèles soldats de Kigiku pour mener à bien ses plans ; auquel cas elle devrait se salir les mains, et pas qu'avec le sang des hommes.
C'est pour toutes ces raisons que les anciens du clan à la fleur rouge on décidé de lancer une nouvelle attaque, les pantins destructeurs de Kigiku pendus au bout de leurs doigts, pour mettre à mal toutes ces divisions et recentrer les dissidents sur le véritable combat : la montée en puissance d'Higanbana.
Le 18 novembre au matin, des pages entières de noms ont été publiées sur internet et repostées partout sur les réseaux sociaux et sur les serveurs du CCG, qui a du être désactivé avant d'être saturé par autant d'informations. Ce n'était pas que des noms, c'était aussi des adresses, des livrets de famille, des casiers judiciaires, des extraits d'analyses de sang. Tous de ghouls.
Et maintenant que tout cela avait fuité, plus personne n'était en sécurité. Peu importe que ce soit de Kaneshon, de Kuroyuri ou d'Asagao, les identités humaines de centaines de ghouls avaient été révélées directement à ceux qui les chassaient mais aussi au grand public - amis, famille, collègues.
Les hommes ne pouvaient plus faire comme si les ghouls n'étaient qu'une légende, maintenant qu'ils les voyaient toutes être révélées autour d'eux.